Histoire du four à pain

Le four à pain, tel que nous le connaissons aujourd'hui, a une très longue histoire. Le principe avec sole et voûte existe depuis au moins 4000 ans. Le pain peut également se cuire selon d'autres procédés plus simples. L'homme a toujours été inventif dans le domaine de la préparation de son alimentation. En fonction de son mode de vie et des matériaux dont il pouvait disposer, il faisait cuire du pain dans un récipient d'argile sur un feu ouvert, sous une cloche mobile ou dans une construction fixe ou temporaire.

Le "four" existe depuis des milliers d'années. En divers endroits du monde, les archéologues ont retrouvé des vestiges de fours préhistoriques. Parfois, ces traces sont toutefois difficilement identifiables. Souvent, il ne subsiste en effet que la sole du four et on ignore comment étaient faits les parois ou la voûte. Dans quelques cas, on a retrouvé une partie du contenu et les archéologues peuvent ainsi déterminer ce qu'on faisait cuire dans ce four. Compte tenu du fait que les restes alimentaires se conservent très mal, il est quasiment impossible de prouver qu'un four a servi à cuire du pain. Un four peut en effet être utilisé à des fins très diverses, comme la cuisson de poteries, la fusion de métal ou de graisse ou le rôtissage d'une pièce de viande.

Les plus anciennes traces archéologiques de fours datent du Néolithique, il y a quelque 9000 ans, et ont été retrouvées en Syrie. En Europe, on a retrouvé des fours datant d'environ 6500 ans, comme par exemple à Rosmeer (Bilzen, Limbourg belge). Nous ne savons pas avec certitude qu'il s'agit ici de fours à pain. Sachant que le pain le plus ancien, retrouvé en Suisse, date déjà de 5500 ans, nous pouvons supposer que des fours étaient déjà utilisés à cette époque pour cuire du pain. De véritables preuves font provisoirement défaut.

Nous sommes par contre sûrs de l'existence de fours à pain dans l' Egypte ancienne. Des statuettes de bois, vieilles d'environ 4000 ans, montrent des fours à pain et des ateliers de boulangerie où plusieurs personnes pétrissent simultanément la pâte. Le four est un modèle à voûte en forme de dôme. Les textes égyptiens mentionnent au moins 30 produits différents à base de pain, ce qui indique qu’il était répandu et apprécié. La cuisson du pain était une activité bien organisée qui avait lieu dans de véritables boulangeries, équipées de vastes fours. Chez les Egyptiens, le pain était d'ailleurs un moyen de paiement en nature: les salaires et les impôts étaient calculés en nombre de pains.

Dans nos contrées, on a retrouvé des vestiges de fours à pain installés dans les maisons et datant de l'âge de bronze (il y a 4000 à 2800 ans) et de l'âge de fer (datant d'il y a environ 2800 à 2000 ans). En ce qui concerne la forme et l'apparence de ces fours à pain, nous savons qu'ils étaient circulaires avec un diamètre de moins d'un mètre. On admet généralement que ces fours étaient utilisés pour cuire du pain. Des meules et des grains de blé carbonisés ont en effet été retrouvés. Nous savons avec certitude que les "Anciens Belges" faisaient cuire du pain il y a quelque 2000 ans. Les historiens romains en ont en effet fait mention dans les chroniques de leurs voyages. Dans l'ancienne Gaule, les hommes faisaient cuire des pains plats à base de millet, d'avoine et d'orge, parfois de froment.

Bas-reliëf datant de la 5ème dynastie, Saqqara, la tombe de Nefer
scan de DUPAIGNE B.: p. 45.

La cuisson sous une cloche ou dans un récipient renversé a déjà été décrite par les agronomes romains ("sub testu"). Dans de nombreuses régions de l'Empire romain on utilisait de petits fours pour quelques pains, voire un seul. Un tel four à pain mobile, datant du premier siècle après Jésus Christ, a été retrouvé à Velzeke (Flandre orientale).

Dans les villes romaines on trouvait partout de grandes boulangeries aux fours professionnels permettant de cuire plusieurs pains à la fois. Il ne fait aucun doute que c'était également le cas chez nous, dans des villes comme Tongres par exemple. Aux abords de ces villes, généralement situées sur les rives d'une rivière ou le long d'une voie de communication, les archéologues découvrent souvent des vestiges de grands granges à blé, les "horrea’.

four à pain romain, une partie d'une frise du monument au boulanger Eurysaces, Rome, 1er siècle avant JC.
scan de BRANDT P.: p. 117.

Four gallo-romain mobile de la première moitié du 1er siècle après JC., Trouvé dans les années soixante dans le vicus de Velzeke. (Provinciaal Archeologisch Museum Zuid-Oost-Vlaanderen)
scan de MACHEREL C., ZEEBROEK R.: p. 48.

scan de SERGENT M.: p. 104

V 90.473 a-f6

cuire sous un seau (Sub Testu)

Il y a 100 à 150 ans, les gens cuisinaient encore énormément sur le feu ouvert. Lorsqu'ils n'avaient pas assez de pain et que le jour de cuisson du pain n'était pas encore arrivé, il arrivait assez fréquemment qu’ils gens fassent cuire un seul pain supplémentaire. Il va de soi qu'ils ne faisaient pas chauffer le four pour cette opération. Ils enlevaient les braises et les cendres au centre de l'âtre, y posaient le pâton et le couvraient d'un pot de terre retourné (dans le jardin, vous pouvez avoir recours à un seau métallique). Les braises étaient ensuite empilés sur l'ensemble.

Cette très vieille méthode de cuisson a déjà été décrite il y a quelque 2000 ans par un agronome romain.

Une autre méthode pour faire cuire un pain supplémentaire consiste à faire usage d'un petit four en tôle placé sur le poêle ou la cuisinière au gaz.

Au cours du moyen âge, la spécialisation s'est accrue et les hommes mangeaient un pain d'une qualité sans cesse croissante: chaque pays, région ou ville avait ses propres produits de boulangerie. La Flandre était surtout réputée pour ses tartes. Les boulangers des villes étaient regroupés en corporations et bénéficiaient d'une grande considération. Ils étaient soumis à des prescriptions très sévères et le prix du pain était légalement fixé. C'est d'ailleurs encore le cas aujourd'hui.

La situation était totalement différente à la campagne. La population rurale cultivait son propre blé et cuisait même généralement son propre pain. Les grandes fermes disposaient souvent d'un four. Les petits fermiers faisaient cuire la pâte qu'ils avaient préparée eux-mêmes dans un four communautaire appartenant à un groupe de voisins. Ils pouvaient également faire cuire leur pâte dans le four du châtelain local contre un paiement en nature. Certains fermiers amenaient leur blé à la ville pour le faire cuire par un boulanger.

boulangerie parisienne anno 1763
scan de DIDEROT D’ALEMBERT, article Boulanger: p.105.

Chaque couvent ou abbaye médiéval disposait d'une installation de cuisson et les moines faisaient cuire de grandes quantités de pain. Ils ne le faisaient pas seulement pour leur propre usage. Les couvents étaient en effet obligés de fournir du pain aux voyageurs, aux pauvres et aux malades. L'approvisionnement des nombreux pèlerins faisait également des couvents de grands producteurs de pain. Ce fait ressort entre autres du grand nombre de moulins à grain qui étaient la propriété des couvents. Chaque couvent était propriétaire de plusieurs moulins répartis sur différentes fermes importantes. C'était également le cas à Grimbergen: tant le Liermolen que le Tommenmolen, deux des sections du MOT, ont été pendant des siècles la propriété de l'abbaye de Grimbergen. Ils ne sont redevenus des propriétés privées qu'après la Révolution française (1795).

scan de Pieter Breughel de Jonge (1564-1637/8) - Jan Brueghel de Oude (1568-1625). Een Vlaamse schildersfamilie rond 1600: p. 389

Aux alentours de 1900, les habitants des villes achetaient généralement leur pain chez un boulanger ou dans une "fabrique de pain". Les grandes boulangeries industrielles sont apparues à la fin du 19ème siècle, parfois sous la forme de sociétés coopératives. Ici des pétrisseuses étaient utilisées pour pétrir la pâte. Les fabriques disposaient de plusieurs grands fours, chauffés au charbon ou au moyen de tuyaux à vapeur. Dans ces fours industriels était appliqué le principe du chauffage indirect par l'intermédiaire d'eau chaude ou d'air chaud. Le pain était cuit dans un espace séparé, indépendant de la chaufferie proprement dite. Ce procédé permettait l'utilisation de charbon, qui dégage des gaz nocifs. Il permettait en outre une cuisson sans interruptions, ce qui se traduisait par un gain de temps considérable. La production croissait, tandis que la consommation de combustible diminuait.

A la campagne, on cuisait généralement encore à domicile aux alentours de 1900, dans des fours pouvant contenir 15-25 pains et qui étaient chauffés au bois. La cuisinière à gaz ou la cuisinière électrique n'existait pas encore à cette époque. Tout le monde ne disposait toutefois pas d’un four à pain. Ils étaient généralement réservés aux grandes fermes. La cuisson avait lieu une fois par semaine.

scan de BROCX W.L.: p. 20

Lorsqu'ils ne possédaient pas de four à pain, les gens pouvaient faire cuire leur pain chez un voisin ou dans un four à pain communautaire. Un tel four existait souvent dans les villages, généralement sur la place. Vous pouvez en admirer un sur la place de l'église à Duisburg (Brabant flamand).

Un four à pain était souvent aussi installé dans la gare locale ou dans la maison du garde-barrière. Au cours des périodes 1880-1890 et 1926-1930, la plupart des gares des chemins de fer étaient pourvues de tels fours à pain. On pouvait également apporter ses pâtons à un boulanger afin de les faire cuire. Cette méthode consistant à confier la cuisson du pain à un boulanger local est encore mentionnée dans l'ouvrage très connu "Ons kookboek " ges) de 1949.

Lorsque les gens faisaient cuire leur pain dans un four commun ou chez le boulanger, ils y apposaient une marque de propriété ou un signe de reconnaissance. Cette marque était souvent apposée à l'aide d'une marque à pain, qu'on enfonçait dans la pâte.

scan de RIETVELD AD.: p. 43.

fabriquer une marque à pain

Lorsque vous voulez cuire du pain avec vos voisins, il est bon de pouvoir distinguer votre propre production des autres pains. Vous pouvez inciser une marque dans chaque pâton, mais il est plus amusant d'utiliser son propre marque à pain.

Vous pouvez en sculpter un en bois, comme le fit Georges Van Laer pour le MOT.

Au début du 20ème siècle, on pouvait acheter des fours tout faits, fabriqués, entre autres, par l'entreprise Pieters à Schaerbeek. Ces constructions métalliques ne convenaient qu'à la cuisson de maximum 10 pains. La clientèle était composée de personnes des classes moyennes des agglomérations urbaines. Selon la publicité de l'entreprise Pieters, ce type de four connaissait surtout un grand succès suite à la falsification du pain, où les boulangers utilisaient des ingrédients de moindre qualité ou falsifiaient les poids.

Chez nous, des fours à pain et des fournils ont encore été construits à la campagne pendant la Seconde Guerre mondiale. Après, le pain achetait de plus en plus souvent dans une boulangerie ou était livré à domicile par un boulanger. Lorsqu'on faisait encore cuire son pain chez soi, on le faisait dans une cuisinière "moderne" au gaz ou électrique. La cuisson du pain sur la pierre a pratiquement disparu aujourd'hui.

La cuisson du pain sur la pierre à domicile a pourtant subsisté ailleurs en Europe. C'est surtout le cas dans les régions plus pauvres, où les gens ne vivent que de l'agriculture. Dans de grandes parties de la Roumanie, de la Hongrie et du reste du sud-est de l'Europe, le pain se cuit encore dans de fours à pain personnels.

scan de GIELE J.: s.p.

cuire au Moyen-Orient et en Afrique du Nord

Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, on utilise des fours de plus petite taille, dans lesquels sont cuits non des pâtons de forme sphérique, mais des "disques de pâte". Ils ne sont pas posés sur la sole du four, mais collés sur la paroi intérieure du dôme. La sole du four n'est destinée qu'au chauffage.
tannur, où le pain est cuit contre le mur. (Joenin, de Bekaa, 1987, co. Aïda Kanafani-Zahar).
Scan de MACHEREL C., ZEEBROEK R: p. 97